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6 janvier 2018 6 06 /01 /janvier /2018 08:36

Léa poussa un soupir d’aise en refermant la porte de son nouvel appartement. Elle était chez elle.

Comme il lui était étrange de se retrouver seule après sept ans de vie commune avec Nils …

Fort heureusement, ils restaient bons amis, c’est pourquoi il l’avait aidée à emménager ici. Pas de cris, pas de heurts entre eux, un jour, ils avaient constaté que leur amour avait disparu. Comme ça.

Il restait des cartons à défaire, mais le petit appartement serait vite meublé et décoré à son gout. Elle allait profiter de ses vacances pour tout installer. Seule, parce que ses amis étaient tous en congé. Mais cela ne la dérangeait pas, au contraire.  Le seul hic, c’était la chaleur caniculaire qui régnait en ce mois d’Août et elle n’avait même pas de ventilateur.

Elle avait trouvé à louer ce logement récent dans un quartier « bobo » de la ville. Un immeuble de cinq étages rutilant de verre et de bois, un délire d’architecte .Il se trouvait à côté de son travail et de toutes les commodités urbaines, commerces, arrêt de bus, tram et métro. Tout près du centre-ville.  Nils avait gardé la voiture, elle, le chat Minouche. Ils avaient fait le partage de leurs affaires sereinement. En personnes raisonnables qu’ils étaient tous deux. Sans doute aussi parce qu’il n’y avait pas d’enfant à la clé.

-Tu vas être bien ici, lui avait-il dit. Au quatrième étage, la vue de la ville est vraiment belle.            

- Oui.

- Les autres locataires semblent sympas ….

-Tu penses à l’hypnotérapeute du premier ? Ou à l’avocate du second ? lui avait-elle répondu, ironique.

Il avait ri comme il le faisait toujours avant.

-Trop tard pour être jalouse Léa ! Par contre, je trouve qu’il y a des odeurs d’égout dans les escaliers. Pas toi ?

-Oui j’ai constaté aussi, admit-elle en faisant la moue. C’est sans doute dû à la canicule, non ?

Puis, Nils était parti, la laissant déballer ses affaires et arranger sa nouvelle vie.

Minouche tournait dans la pièce en miaulant tristement.

-Ho ça va Minouche ! Tu vas t’y faire toi aussi ! Regarde : le balcon  t’attend ! Tu pourras compter les voitures si tu veux !

Elle ouvrit légèrement la baie vitrée, de façon à ce que le chat passe, pour ne pas faire rentrer trop d’air chaud.

Pour se donner du courage, elle alluma la radio, puis commença à ouvrir les cartons.

« Les titres : alerte enlèvement, un enfant de 6 ans a disparu alors qu’il jouait dans un parc. Nouveau scandale financier : des millions d’euros volatilisés. Attention aux températures caniculaires. »

Léa n’écoutait pas vraiment les nouvelles, concentrée  sur ses rangements. En ne se relâchant pas, elle n’en aurait pas pour longtemps et elle pourrait donc s’occuper de la déco avant de reprendre son travail.

Son voisin, ou sa voisine du dessus devait certainement emménager aussi car elle entendait des bruits de meubles déplacés, grincements et coups portés sur les cloisons.

Elle rangea et tria ainsi pendant plusieurs heures, rythmées par les flashs d’infos et des chansons intercalées. Elle sourit en regardant Minouche dormir profondément à l’ombre de la petite table du balcon, assommé de chaleur. Quand elle fut complétement en nage et saturée de rangement, elle prit une douche rapide avant d’aller acheter un ventilateur.

Elle ouvrit sa porte et une odeur âcre  saisit ses narines.

« Les égouts puent de plus en plus. Il faudra que je demande  si quelqu’un s’en occupe à la concierge, pensa-telle »

Dans l’ascenseur cela sentait moins, c’était supportable.

Au rez de chaussée la concierge était là avec deux personnes qui l’assaillaient de questions concernant l’odeur pestilentielle.

-Bonjour. Vous êtes Mademoiselle  Chapuis, lui demanda-t-elle aimable.

-Oui c’est moi. Bonjour Madame Martin.

-Votre installation se passe bien ?

-Oui. Merci. Je suis comme tous ici, répondit Léa, j’aimerais savoir quand cette odeur va disparaitre. Avec la chaleur, c’est insupportable. Heureusement qu’elle se cantonne aux parties communes.

- Chère petite, comme je viens de le dire à Monsieur et Madame Lombard, nous sommes en Août, et la société chargée de l’entretien tourne au minimum d’employés. Il nous faudra attendre un peu. Cela doit venir des évacuations. Avec la sécheresse…

- Heureusement, nous, nous partons en vacances, lança l’homme  visiblement agacé en ouvrant la porte vitrée donnant sur la rue, ce qui fit rentrer une bouffée d’air chaud à l’intérieur.

-Vous avez noté que vous disposez d’un tableau pour mettre des annonces. Cela peut être bien utile, poursuivit la concierge  à l’adresse de la jeune femme.

-Oui, je vois, répondit Léa poliment.

Et elle sortit aussi dans la fournaise estivale, non sans avoir jeté un coup d’œil au dit tableau où informations, invitations et publicités s’entassaient en un  pèle mêle  hétéroclite .Il y avait même des avis de recherche.

Quand elle revint plus tard, encombrée d’un gros paquet, elle transpirait abondamment mais gardait le sourire car son appartement serait bientôt plus respirable grâce à ça.

La concierge  était en pleine discussion avec une autre dame et lorsque Léa rentra dans l’ascenseur surchauffé, elle entendit clairement :

-Rendez-vous compte Madame  Kurta , l’enfant a été enlevé à deux pas d’ici, au parc Richelieu ! C’est terrible. Pauvre enfant ! Pauvres parents !

-Quelle époque Madame Martin ! Quelle époque ! Tout va de travers Madame Martin ! Tout disparait : la bonne éducation, le bon sens … Enlever un enfant ! Ces pervers n’ont plus peur de rien ! Et cette chaleur ! On n’a jamais eu aussi chaud ! Et cette puanteur ! Tout va de travers, je vous le dis Madame Martin. Tout va de travers !

Léa se dépêcha d’ouvrir la porte de son appartement pour échapper à l’odeur fétide  qui stagnait dans le couloir. Minouche l’accueillit avec le miaulement du chat affamé.

-Attend un peu que je mette ce truc en marche, lui dit-elle.

Quelques minutes après, le ventilateur brassait l’air chaud de la pièce.

Le lendemain, Léa se leva nauséeuse. La nuit avait à peine fait baisser le thermomètre. Mais c’était surtout les odeurs d’égout qui envahissaient maintenant  l’appartement qui l’écœuraient.

-Génial Minouche ! On va s’asphyxier ici ! remarqua-t-elle ironique.

Elle reprit malgré tout son rangement, volets mi-clos et fenêtres fermées, au rythme du ventilateur et de la radio.

« Toujours pas de nouvelles du petit Adam, 6 ans, disparu dans un parc. Les recherches s’intensifient. Le gouvernement secoué par le scandale financier. Où sont les millions ? On attend des démissions. Episode caniculaire : prenez vos précautions. »

Dans l’appartement du dessus, on devait encore déplacer des meubles, à en juger par les grincements entendus.

A midi, elle avait quasiment fini son tri et c’était tant mieux car elle allait s’octroyer une après-midi de baignade à la piscine municipale pour se rafraichir et fuir les émanations putrides de l’immeuble.

Seul Minouche supportait tout ça stoïquement, en bon chat des villes, vautré sur le canapé.

Malheureusement, elle n’était pas la seule à avoir eu cette idée ce qui fait qu’elle fut refoulée :

-Nous ne pouvons pas accepter plus de monde pour l’instant. Par souci de sécurité. Revenez plus tard. Désolé.

Elle décida alors de profiter de la climatisation des galeries marchandes de la ville. Les allées bruissaient d’annonces diverses, de chansons obsédantes. Léa lu distraitement les gros titres des journaux :

« Avez-vous vu cet enfant ? Adam 6 ans disparu hier  est recherché activement par la gendarmerie et des associations d’aide à l’enfance. Scandale  financier : va-t-on vers un remaniement ministériel? La canicule responsable de la disparition de milliers de personnes âgées. »

Elle rentra chez elle avec  des décorations pour son appartement. Devant l’entrée de son immeuble elle vit un attroupement de personnes en gilet fluo qui distribuaient un  papier à tous les passants. C’était la photo d’Adam.

-Tenez Mademoiselle, si vous avez le moindre renseignement à fournir à la gendarmerie, n’hésitez pas. Adam a disparu à quelques mètres d’ici seulement.

-Oui bien sûr, répondit-elle.

Elle tenait la photo du petit garçon dans les mains et la regardait intensément. L’avait-elle croisé ?

Avait-elle remarqué un enfant blond aux yeux bleus ?

Non. Elle était trop préoccupée par son emménagement ici.

-La société chargée de l’entretien nous envoie enfin quelqu’un demain Mademoiselle Chapuis, lui lança la concierge.

-C’est une bonne nouvelle ! lui répondit Léa en forçant son sourire.

-Vous aussi vous sentez l’odeur épouvantable chez vous ?

-Malheureusement oui. J’ai hâte d’être à demain.

Et elle s’engouffra dans l’ascenseur. Quand elle en sortit elle eut un haut le cœur dû à l’odeur nauséabonde qui régnait dans le couloir.

Chez elle, elle prit une douche et ensuite commença à arranger joliment les bibelots de décorations dans les pièces. Minouche s’agitait pour avoir sa pâtée.

-Voilà, voilà ! Son Altesse Minouche est servie !

A cet instant, on frappa à la porte :

-Oui ? demanda-t-elle croyant que c’était la concierge.

Mais c’était une jeune fille très pale qui lui répondit, d’un ton  agressif :

-Vous êtes bien Mademoiselle Thomas ?

-Non, répondit Léa en entrouvrant  un peu plus sa porte. Vous êtes au numéro 43.

-Pardon, je croyais être au numéro 53, s’excusa-t-elle.

-C’est l’appartement juste au-dessus du mien.

-J’ai essayé de lui téléphoner, sans réponse…Elle est absente ? En vacances ?

- Je n’ai emménagé qu’ hier mais je pense qu’il y a quelqu’un chez elle.

-Vous l’avez entendue ? s’étonna son interlocutrice.

-Oui.

-Donc, elle est bien chez elle. Merci.

Le visage soudainement durci, la jeune fille  se retourna prestement vers l’ascenseur.

Léa referma sa porte avec soulagement car les odeurs d’égout semblaient amplifiées.

Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’elle se rendit compte de l’absence de Minouche.

Il n’était nulle part dans l’appartement. Elle le retourna entièrement. Regarda dans toutes les cachettes imaginables par un animal de compagnie.  Il n’avait pas pu sauter ou tomber du quatrième étage. Non.

Le chat avait dû se faufiler entre ses jambes  quand elle avait ouvert la porte. Des sueurs froides désagréables coulèrent dans son dos. Un sentiment de panique inexpliqué la saisit.

Elle l’appela dans le couloir :

-Minouche ! Minouche !

Elle ne voyait aucun recoin où il aurait pu se cacher.

Curieusement, l’angoisse  anesthésiait son odorat et elle put ainsi inspecter tout l’étage sans être prise de nausées.

-Que se passe-t-il Mademoiselle ? lui demanda une vieille dame, ouvrant sa porte.

-Je cherche mon chat.

-Votre chat a disparu ?

-Oui. Il est noir avec une tache blanche sous le cou, lui répondit-elle d’une voix atone.

-Dites-le à Madame Martin, la concierge.  La porte  d’entrée étant sécurisée, il ne peut pas sortir dans la rue. Mais il ne doit pas être bien loin.

-Merci, lui répondit Léa, vaguement rassurée.

Elle commençait à avoir du mal à respirer.

- C’est quand même curieux toutes ses disparitions, dit la vieille dame.

-Quoi ?

-Le petit Adam, votre chat et le père de la jeune fille.

-Quelle jeune fille ?

-Elle cherchait le numéro 53, Mademoiselle Thomas …

-Elle s’est trompée de porte et c’est là que Minouche s’est échappé.

-Je l’ai vue et je lui ai parlé. Son père avait rendez-vous avec la locataire du 53 il y a quelques jours et depuis, il ne donne plus signe de vie. C’est elle qui a mis l’avis de recherche en bas.

Léa, le souffle court, allait lui répondre quand un hurlement strident les fit sursauter toutes deux.

-Dites-moi où il est ! Je vais appeler la police !

-Laissez-moi tranquille !

- Je ne partirai pas ! Au secours ! Appeler la police !

Les cris venaient de l’étage du dessus.

D’abord tétanisées les deux femmes reprirent leurs esprits :

-Il faudra effectivement appeler les secours si cela ne s’arrête pas, dit calmement la vieille dame.

Maintenant, on entendait des coups portés sur la porte et dans les murs. Les hurlements redoublaient. Plusieurs locataires sortirent dans le couloir :

-J’ai appelé la police, fit l’un d’eux.

-Arrêtez-vous ! Vous êtes folle  ou quoi ?

 D’autres personnes à l’étage du dessus  tentaient de raisonner la jeune fille…Mais apparemment sans succès.

-Appelez la police !

-C’est fait Mademoiselle, calmez-vous.

- Je me calmerai quand elle sera là.

Durant ces altercations, Léa suffoquait, ne pensant qu’à son chat.  Elle ouvrit la porte pour descendre par l’escalier quand elle reçut  brutalement Minouche dans les bras. L’air pénétra dans ses poumons d’un seul coup, alors qu’elle étreignait le petit félin. 

-Je viens de le retrouver Madame, dit-elle en retournant vivement chez elle.

-Tout s’arrange vous voyez, souligna la vieille dame.  

Léa  poussa un soupir de soulagement en pénétrant  dans son appartement.

La chaleur, l’odeur nauséabonde, les cris : Léa s’en moquait bien, Minouche était là et c’est tout ce qui comptait. Elle se promit de ne plus ouvrir sa porte sans précaution.

Quelques minutes plus tard, elle vit les gyrophares de la police et ceux des pompiers en bas de son immeuble. Elle entendit les vociférations de la jeune fille et de la locataire du 53 mêlés aux paroles fortes des officiers. Plusieurs personnes marchaient lourdement, tiraient des meubles dans l’appartement du haut, elle  était juste en dessous, aux premières loges.

Minouche tremblait dans les bras de sa maitresse.

-Ne t’en fais pas, lui dit-elle. Bientôt, tout sera fini  et on retrouvera notre tranquillité.

D’autres véhicules arrivèrent et stationnèrent longuement sur le parking, ceux du  Samu et de la police judiciaire.

Le vacarme continua, s’amplifia même jusqu’au milieu de la nuit.

Léa sombra malgré tout dans un sommeil moite et agité.

Le lendemain, elle s’éveilla avec un sentiment bizarre. Comme un manque. Grâce à une petite brise, il faisait moins chaud. L’odeur pestilentielle avait  quasiment disparue.

Elle ouvrit ses volets et décida de prendre son petit déjeuner sur son petit balcon ensoleillé, accompagnée par Minouche et par les nouvelles distillées par la radio :

« Les titres : soulagement, le petit Adam retrouvé vivant chez une femme en mal d’enfant. Scandale financier : le premier Ministre démissionne. Découverte macabre dans un immeuble du centre-ville, le corps d’un homme disparu depuis plusieurs jours  a été retrouvé  en état de décomposition avancée dans une malle. Ce serait sa petite amie qu’il voulait quitter qui l’aurait tué. Fin du phénomène caniculaire : retour des températures normales. On va de nouveau  pouvoir respirer.  »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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